La Cour d’État reconnaît à un magistrat mis à pied le droit de percevoir son salaire

Publié le 15 Avril 2009

La juridiction suprême d'Estonie, réunie en assemblée plénière, a rendu hier, mardi 14 avril, un arrêt dans lequel elle a jugé qu'un magistrat ayant été provisoirement destitué de ses fonctions a droit, de par la Constitution, à ce que son salaire de magistrat lui soit versé pendant le déroulement des poursuites pénales engagées à son encontre.

En 2006, Ardi Šuvalov, juge de première instance de la région d'Harjumaa, avait été suspendu après que, conformément à l'article 153 de la Constitution, le Président de la République ait, sur proposition de la Cour d'État, donné son accord pour l'exercice de poursuites pénales à l'encontre de ce magistrat soupçonné de corruption passive. Le 31 janvier 2008, le tribunal l'avait reconnu coupable de ce chef d'accusation et l'avait condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans et demi.

Lorsque l'immunité juridictionnelle du juge Šuvalov avait été levée, le ministre de la justice avait ordonné l'arrêt du paiement du salaire de celui-ci jusqu'au terme de la procédure pénale dont il faisait l'objet. L'intéressé avait saisi le tribunal administratif de Tallinn d'une requête tendant à l'annulation de la directive du ministre de la justice et demandant le paiement de son salaire pour la période de mise à pied. Ayant été débouté de sa demande par jugement du 24 novembre 2006, le juge Šuvalov avait fait appel devant la cour de district de Tallinn. Etant donné que les juges du second degré confirmèrent le jugement de première instance par arrêt du 30 avril 2007, il décida de former un pourvoi devant la Cour d'État.

Saisie de l'affaire, la chambre administrative de la Cour d'État jugea que son examen devait se faire en formation plénière vu que la question soulevée revêtait une grande importance pour une application uniforme du droit.

Dans son arrêt, la formation solennelle de la Haute juridiction estonienne souligne en premier lieu, que le salaire des magistrats constitue un élément de la garantie de leur indépendance et à ce titre, relève d'un domaine protégé par la Constitution. Or l'indépendance des magistrats, comme le remarque la Cour, est garantie jusqu'à ce qu'ils quittent leur poste ou soient démis de leurs fonctions. En second lieu, la Cour indique que, selon la loi sur les tribunaux, les magistrats ne peuvent exercer une autre activité professionnelle, à l'exception de celles qui concernent l'enseignement ou la recherche. La Cour en conclut qu'un magistrat mis à pied n'est pas en mesure de subvenir à ses besoins, faute de pouvoir s'assurer un revenu provenant d'un autre emploi.

Dans la mesure, d'une part, où le juge Šuvalov n'a pas perçu son salaire de magistrat pendant toute la durée des poursuites pénales, au cours de laquelle il a été suspendu et d'autre part, où la loi ne prévoit pas qu'un magistrat puisse, dans cette éventualité, bénéficier d'une autre source de revenu, la Cour d'État considère qu'il s'agit là d'une omission législative inconstitutionnelle. Le législateur aurait dû voter une loi permettant à tout magistrat suspendu en raison de poursuites pénales exercées à son encontre de percevoir un salaire ou une rémunération équivalente au cours de cette période de mise à pied. Son inaction, dans ce cas, constitue, selon la Cour, une violation de l'article 147 al. 4 de la Constitution, qui dispose que les garanties de l'indépendance des juges sont fixées par la loi, combiné avec les articles 146 et 15 de la Constitution.

La Cour d'État n'a toutefois accueilli que partiellement la requête du demandeur. Se référant à une disposition de la loi sur les tribunaux, en vertu de laquelle un magistrat suspendu de ses fonctions au cours d'une procédure disciplinaire ne reçoit que la moitié de son salaire, la Cour estime que le juge Ardi Šuvalov ne peut obtenir que 50 % de son salaire de magistrat durant sa période de mise à pied.

Cet arrêt rendu par les 16 juges d'État siégeant en plénière et le Président de la Cour, Märt Rask, a été accompagné de trois opinions dissidentes.

 

Référence : affaire n° 3-3-1-59-07

Rédigé par Rodolphe Laffranque

Publié dans #Actualité juridictionnelle et jurisprudentielle

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R
Bonjour,<br /> Disons que j'évite de revenir sur des événements passés. Il est déjà assez difficile de suivre l'actualité, alors ...! Mais si l'affaire rebondie, je ne manquerai certainement pas d'en parler. Par exemple, sur le site de Nouvelle Europe, vous trouverez un article de P. Perchoc qui traite de la question, intitulé: "Herman Simm, l'espion qui venait du froid".
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C
désolé de tous ces commentaires qui se résument à un seul en réalité...
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C
Bonsoir, mon commentaire précédent est parti trop vite par un de ces mystères de l'informatique (ou de mon clavier)... je ne sais s'il est possible de "commander" des posts mais si vous aviez le temps un jour de nous parler un peu de l'espion Hermann Simm sur lequel nous avons peu entendu de choses en France et dont l'histoire semble assez extraordinaire, cela m"intéresserait beaucoup. Aucune urgence, ni obligation d'ailleurs, peut-être (certainement) y a t-il des sites où l'on peut trouver des choses.
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C
Bonsoir,
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C
Bonsoir, Herman Simm
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