Le Parti du peuple d’Estonie va-t-il bientôt disparaître ?
Publié le 23 Octobre 2009
Créé en 1994 sous le nom de Parti du peuple agraire, puis rebaptisé en octobre 1999 sous le nom qu’on lui connaît maintenant, le Parti du peuple (ERL – Eestimaa Rahvaliit) serait-il sur le point de disparaître définitivement du paysage politique estonien ? On peut, à juste titre, se poser la question, ne serait-ce qu’au vu des résultats catastrophiques que celui-ci enregistre constamment depuis quelques temps. Aux élections régionales du 18 octobre dernier, le Parti semble bien avoir touché le fond puisqu’il ne recueille au total que 1,9 % des suffrages exprimés dans tout le pays, réalisant ainsi son plus mauvais score historique, toutes élections confondues. Par comparaison, il en obtenait 12,47 % il y a quatre ans. La chute est vertigineuse. Depuis 2007, date des dernières élections législatives où le Parti ERL a pu se maintenir au Riigikogu grâce aux 7,1 % de voix en sa faveur, à aucun moment par la suite, il n’est arrivé à dépasser le seuil minimum des 5 % de suffrages pour bénéficier d’un mandat.
Elections auxquelles a participé le Parti du peuple | Résultat obtenu par le Parti du peuple |
Octobre 2009 - régionales | 1,9 % |
Juin 2009 - européennes | 2,2 % |
Mars 2007 - législatives | 7,1 % |
Octobre 2005 - régionales | 12,47 % |
Juin 2004 - européennes | 8 % |
Mars 2003 - législatives | 13 % |
Octobre 2002 - régionales | 11,21 % |
Chiffres : Commission électorale centrale d’Estonie
Il y a fort à parier que le scandale qui touche l’ancien président du parti, Villu Reiljan, à partir de 2006, alors qu’il était ministre de l’environnement, soit une des raisons majeures, si ce n’est la principale raison de la désaffection de l’électorat traditionnel de ce parti, fortement implanté en milieu rural. Les accusions de corruption qui pèsent à l’encontre de M. Reiljan, actuellement membre du Riigikogu, mais dont l’immunité parlementaire avait été levée en mars 2009, éclaboussent le parti tout entier et lui porte un lourd préjudice. D’ailleurs, il semble peu probable (mais en politique, rien est impossible) que ni le parti ni son ancien dirigeant s’en remettent même si la cour d’appel de Tallinn, saisie d’un recours par l’ancien ministre, devait infirmer le jugement de première instance et annuler sa condamnation prononcée en mai dernier. La cour a annoncé qu’elle rendra un arrêt sur cette affaire le 20 novembre prochain.
Toujours est-il que la formation politique à laquelle appartient le précédent Président de la République estonienne Arnold Rüütel, lequel en est également le président d’honneur, traverse actuellement la crise la plus grave de son existence.
Avant-hier, mercredi 21 octobre, le Parti du centre a officiellement proposé à l’Union du peuple d’engager un dialogue pour le rapprochement de leurs deux formations. Le bureau national du Parti ERL, fortement divisé sur cette question, a préféré s’en remettre au verdict de son assemblée générale qui se réunira le 9 novembre prochain.
Le vice-président de l’Union du peuple, Jannus Männik, s’est explicitement prononcé contre une adhésion de son parti à celui que dirige le charismatique maire de Tallinn, Edgar Savisaar. Selon lui, les deux formations politiques n’ont pas du tout les mêmes valeurs et seraient donc incompatibles. Il ne faudrait surtout pas les mettre dans le même panier. « Nous sommes d’une part pour beaucoup axés sur des idées nationales et sommes d’autre part un parti complètement démocratique et non pas un parti de chef », confie M. Männik aux journalistes de la ERR, sous entendant ainsi que le Parti centriste estonien est un parti pro-russe et totalitaire.
Pourtant, le professeur de sciences politiques de l’Université de Tartu, Rein Toomla, explique, dans une interview accordée à la ERR, que le Parti du centre et l’Union du peuple sont des formations assez proches l’une de l’autre et pas seulement du point de vue de leur programme politique. Il fait remarquer qu’elles ont activement coopérer aussi bien lors des deux dernières élections présidentielles pour soutenir la candidature d’Arnold Rüütel que dans le cadre de divers coalitions gouvernementales. Le politologue souligne qu’une étude réalisée par l’Université de Tartu a révélé que les sympathisants de ces deux partis ont de nombreux points communs. Il en conclut que si une telle adhésion devait avoir lieu, elle ne déclencherait probablement pas une vague de protestations de la part de leurs militants respectifs.
Interrogé sur la chaîne ETV, Jaak Allik, membre du bureau national de l’Union du peuple, est d’avis qu’entre l’adhésion au Parti du centre et le maintien tel quel du Parti ERL, il existe une troisième voie qui consiste, dit-il, à « créer avec les sociaux-démocrates un puissant parti de centre-gauche ». « Le problème n’est pas de savoir ce qui peut advenir de l’Union du peuple. C’est un problème insignifiant pour l’avenir de la politique estonienne. Le problème est qu’entre 20 et 25 % d’électeurs ont clairement montré, lors des dernières élections, qu’ils ne souhaitaient pas voter soit pour Edgar Savisaar, soit pour Andrus Ansip soit pour Mart Laar », explique M. Allik.