La Cour d’Etat d’Estonie juge la loi sur la réforme administrative globalement conforme à la Constitution

Publié le 21 Décembre 2016

La Cour d’Etat d’Estonie juge la loi sur la réforme administrative globalement conforme à la Constitution

La Cour d’Etat, juridiction suprême d’Estonie, a rendu, comme prévu, hier mardi 20 décembre, sa décision sur le recours en inconstitutionnalité, formé par 26 communes estoniennes, contre la loi sur la réforme administrative (haldusreformi seadus), qui était entrée en vigueur le 1er juillet 2016. L’arrêt n° 4-1-3-16 est disponible sur le site internet de la Cour. Sont reproduites ci-après les informations contenues dans le communiqué de presse de la Cour d’Etat concernant ledit arrêt.

Les communes requérantes estimaient que cette loi violait les garanties constitutionnelles relatives à l’autonomie locale. Elles reprochaient aux dispositions légales concernant les fusions forcées, c’est-à-dire celles qui sont initiées par le Gouvernement, de ne pas respecter leur droit à l’auto-organisation, la garantie de leur personnalité juridique individuelle, leur droit à être entendu, le principe de garantie financière, le principe de l’égalité de traitement des entités, ainsi que les principes de démocratie et de clarté juridique.

Il était ainsi demandé que soient reconnus inconstitutionnels et invalidés l’article 3, l’article 7 al. 4 et 5, l’article 8, les articles de 9 à 13 (c’est-à-dire le chapitre 3 de la loi), l’article 20 al. 1er, l’article 24 et l’article 28, point 2, de la loi sur la réforme administrative. Les communes de Juuru et Tõstamaa demandaient, comme alternative, que la loi dans son intégralité soit annulée.

La chambre constitutionnelle de la Cour d’Etat n’a pas fait droit aux griefs d’inconstitutionnalité invoqués par les requérants mis à part celui concernant l’article 24 al. 1er selon lequel l’aide allouée aux communes procédant à des fusions forcées est d’un montant maximum de 100 000 euros. Seule cette disposition est déclarée inconstitutionnelle et de ce fait, annulée. Pour justifier cela, les juges soulignent que, dans la mesure où la modification de l’organisation administrative territoriale est une question d’intérêt étatique, la Constitution exige que les coûts liés à celle-ci doivent intégralement être pris en charge par l’Etat.

Sur les autres points de l’arrêt, la Haute juridiction estonienne expose les motifs qui justifient la conformité à la Constitution des dispositions litigieuses de la loi sur la réforme administrative. Trois juges se sont toutefois dissociés de l’opinion majoritaire en émettant des opinions séparées : MM. Jüri Põld et Indrek Koolmeister avec des opinions concordantes (4-1-3-16e1, 4-1-3-16e2), en ce sens qu’ils approuvent la solution donnée dans l’arrêt mais sont en désaccord avec le raisonnement qui aboutit à cette solution. M. Jaak Luik avec une opinion dissidente (4-1-3-16e3), c'est-à-dire contestant la solution rendue par l'arrêt. La cour suprême estonienne, à la façon des juridictions anglo-saxonnes, admet en effet que des opinions séparées (dissidentes ou concordantes) puissent être exprimées. Les opinions séparées sont publiées en annexe de l’arrêt et sont également disponibles sur le site internet de la Cour.

La Cour d’Etat note que la Constitution permet une modification des limites du territoire communal à condition qu’elle ne soit pas effectuée de façon arbitraire. Or, les juges constitutionnels estiment qu’en l’espèce, la loi sur la réforme administrative ne transgresse pas cette interdiction. La loi qui apporte une modification à l’organisation administrative du territoire a été adoptée dans les règles et contient des dispositions qui sont suffisamment compréhensibles malgré leur niveau de complexité.

L’objectif que poursuit la modification de l’organisation administrative territoriale des communes est l’amélioration des capacités de celles-ci à accomplir des services publics. Selon la Cour, cet objectif est conforme à la Constitution. L’accomplissement des services communaux est lié aux droits et libertés fondamentaux que les pouvoirs publics étatiques ont l’obligation de protéger. La Cour considère que la loi attaquée contribue à la réalisation de cet objectif car les communes de plus grande taille sont supposées mieux remplir leurs missions que les communes avec un plus petit nombre d’habitants.

Aussi, le législateur dispose d’une grande marge de manœuvre décisionnelle. Le pouvoir juridictionnel ne saurait se mettre à la place du législateur pour choisir parmi les différents critères applicables à la réorganisation administrative du territoire celui auquel il faut accorder la priorité.

La Cour constate par ailleurs que le critère des 5 000 habitants n’est pas le seul qui doit être appliqué dans le cadre de la modification de l’organisation administrative territoriale. La loi permet effectivement au Gouvernement de ne pas exiger d’une commune ayant moins de 5 000 habitants qu’elle fusionne pour des raisons qui seraient impérieuses.

La Cour reconnait que les délais fixés dans la loi sont courts mais ceux-ci sont suffisants pour que les communes puissent mener des actions et prendre des décisions qui résultent des fusions, y compris les opérations liées à la préparation des élections municipales qui auront lieu en 2017. Elle explique qu’en cas de fusion initiée par le Gouvernement, les communes ont la possibilité de présenter un avis motivé ce qui est de nature à sauvegarder leur droit constitutionnel d’être entendu.

Il est aussi fait remarquer que la réforme administrative territoriale intervient juste avant les élections communales de 2017 ce qui peut poser des problèmes d’ordre constitutionnel pour les électeurs et les administrés. Cependant, les juges constitutionnels attirent l’attention sur le fait que les collectivités territoriales ne sont pas habilitées à saisir la Cour d’Etat pour que les droits de ces derniers soient protégés.

La Cour estime enfin que le fait d’accorder aux communes qui fusionnent une aide financière différente selon que leur fusion est réalisée à la demande soit de leurs conseils municipaux respectifs, soit du Gouvernement n’est pas contraire à la Constitution. Ce traitement différencié est justifié, selon elle, pour inciter les conseils municipaux à engager eux-mêmes la procédure de fusion.

Rédigé par Rodolphe Laffranque

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